Le 12 juillet dernier, devant des millions de Français, vous vous engagiez avec force à mettre en place un revenu d’engagement pour les jeunes ni en emploi, ni en formation. Il s’inscrivait alors dans le prolongement des travaux lancés en janvier 2021 par la ministre Elisabeth Borne sur la garantie jeunes universelle à la suite de la remise du rapport du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse : « La Garantie jeunes, un droit pour demain ». Il se voulait aussi un atout supplémentaire dans la politique suivie avec « un jeune une solution »
10 mois après l’ouverture de ces travaux, nous sommes inquiets. Pourtant dès le début, nos organisations ont soutenu l’idée d’ une réponse pour tous les jeunes sans soutien familial qui connaissent des situations de pauvreté.
La crise sanitaire et sociale a mis une nouvelle fois en lumière un impensé de notre système de solidarité intergénérationnelle et un angle mort de nos politiques publiques : la situation des jeunes de moins de 25 ans en précarité. Les files d’attente devant les lieux de distributions alimentaires comme les aides d’urgences déployées par les associations ont montré combien la situation était désastreuse. Ce refus d’intégrer ces jeunes dans les mécanismes de protection de droit commun est souvent « justifiée » au nom du fait que la solidarité familiale est censée leur assurer une protection suffisante. Or, dans un contexte où la pauvreté monétaire frappe particulièrement les jeunes, cette vision est irréaliste et hypocrite soit parce que ces jeunes sont en rupture avec leur famille soit parce que celles ci ne peuvent les aider.
Alors que les annonces devaient être faites à la rentrée, nous assistons depuis plusieurs semaines à une série de tergiversations, laissant craindre des renoncements et parfois de propos stigmatisant à propos de ces jeunes. Même si la situation économique est meilleure qu’attendue, nous sommes revenus à la situation d’avant la crise. Un jeune sur 5 vit toujours en dessous du seuil de pauvreté et nombre d’entre eux rencontrent d’importantes difficultés pour obtenir un emploi stable. Non, aucun jeune ne se satisfait de vivre avec une allocation. Avec 500 euros, on ne vit pas, on survit !
La France est l’un des seuls pays européens à n’avoir aucune réponse durable pour les jeunes ni en emploi, ni en formation ou pour les travailleurs pauvres de 18/25 ans (soit près d’1,5 millions de personnes). Plutôt que de continuer à empiler les dispositifs, il est temps de mettre en place un droit ouvert à tous les jeunes en situation de pauvreté qui s’inscrivent dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle en leur garantissant, une allocation d’un montant équivalent au RSA et un accompagnement adapté qui soit en mesure de leur donner les chances de réussir leur entrée dans la vie active. Un droit sans contrainte de durée leur facilitant l’accès au logement et à la complémentaire santé solidaire. Ouvrir des droits aux jeunes en situation de pauvreté, c’est en effet la meilleure façon d’en faire des adultes autonomes et capables de subvenir à leurs besoins.
Nous n’avons plus le temps de tergiverser. Il est temps, Monsieur le président de la République, d’aller au bout de vos engagements.
Signataires :
Laurent Berger (CFDT)
Pascal Brice (Fédération des acteurs de la solidarité)
Chloé Corvée (Jeunesse Ouvrière Chrétienne)
Véronique Devis (Secours catholique)
Christophe Devys (collectif Alerte)
Patrick Doutreligne (Uniopss)
Antoine Dulin (Conseil d’orientation des politiques de jeunesse)
Marie Aleth Grard (ATD Quart Monde)
Mélanie Luce (UNEF)
Paul Mayaux (FAGE)
Pascale Ribes (APF France Handicap)
Christophe Robert (Fondation Abbé Pierre)
Yann Renault (CNAJEP)
Antoine Sueur (Emmaüs France)
Nicolas Truelle (Apprentis d’Auteuil)
Rima Chihi (Forum Français de la Jeunesse)
Jean-Paul Vaillant (UNAFO)
Michel Pelenc (Soliha)
Jean-Michel David (UNCLLAJ)
Claude Garcera (UNHAJ)