« Le Service national universel ne doit pas être conçu comme le projet d’adultes imposant à une jeunesse turbulente une période durant laquelle on lui enseignerait l’autorité et les vraies valeurs »
Extrait du Rapport relatif à la création d’un service national universel, 26 avril 2018
Alors que la phase de préfiguration du Service national universel (SNU) vient de débuter, le Forum français de la jeunesse (FFJ), principale organisation en France rassemblant des structures gérées et animées par des jeunes de moins de 30 ans, souhaite rappeler son opposition au caractère obligatoire du projet, à son coût et à la vision de l’engagement qu’il propose aux jeunes.
L’impossible obligation de l’engagement
Depuis le 16 juin dernier, 2 000 jeunes volontaires âgé·e·s de 15 à 16 ans participent à la phase de préfiguration du SNU dans 13 départements. Puis, ces jeunes réaliseront leur mission d’intérêt général, d’une durée de deux semaines, entre juillet 2019 et juin 2020. Cette phase de préfiguration repose sur le volontariat alors qu’à moyen-terme, le Gouvernement souhaite rendre le dispositif obligatoire.
Favoriser la participation et l’engagement, cela commence par faire confiance. Loin des caricatures dans lesquelles les jeunes sont souvent enfermés, notre génération n’est pas passive mais très engagée. D’après le baromètre DJEPVA sur la jeunesse de 2018, la moitié des jeunes donne de son temps bénévolement pour une association et près de trois jeunes sur dix seraient prêt·e·s à franchir le pas. Les jeunes n’ont donc pas besoin d’un sas d’enregistrement et de rencontre avec la Nation puisqu’ils·elles sont déjà massivement engagé·e·s au service de la société !
Surtout, le FFJ reste persuadé qu’on ne peut pas créer en France une “société de l’engagement” en forçant la jeunesse à s’engager. Offrir comme seul horizon aux jeunes un SNU obligatoire ne permettra pas de créer un cadre propice au volontariat, à l’engagement et à la participation des jeunes. Nous le réaffirmons haut et fort : l’engagement doit rester dynamique, gratuit, pérenne, empli de sens et surtout volontaire.
Une forte dimension militaire qui interroge
Alors que le rapport du groupe de travail Ménaouine concevait le SNU comme une manière, entre autres, de présenter aux jeunes les enjeux de défense et de sécurité nationale et que le Gouvernement répète depuis plusieurs mois que ce SNU n’a rien de militaire… Force est de constater que la transmission des valeurs républicaines telle qu’elle est visible depuis deux jours – cérémonie de levée des couleurs, port d’un uniforme, obligation de chanter la Marseillaise, exercices d’entraînement de type “raid”, présence accrue du ministère des Armées – revêt une forte dimension militaire.
Si le Gouvernement répète inlassablement que le SNU « n’est pas le retour du service militaire”, le FFJ s’interroge sur les moyens pédagogiques employés pour transmettre ces valeurs républicaines. Celles-ci ne se décrètent pas et nécessitent un apprentissage et une appropriation dans le temps long, par exemple dans le cadre de l’école, des voyages et de l’éducation informelle.
De plus, au moment où la société actuelle est parcourue par des inégalités sociales, économiques et territoriales, pourquoi appartiendrait-il uniquement aux jeunes d’endosser la responsabilité de réparer ces fractures à travers un service national obligatoire ?
Un coût exorbitant pour un projet qui ne répond pas aux besoins des jeunes
Longtemps, le Gouvernement a entretenu le flou et n’a pas souhaité communiquer sur le budget du SNU. Le Secrétaire d’état Gabriel Attal déclare aujourd’hui que le coût “se situera sans doute autour de 1,5 milliard d’euros par an”. Alors que depuis le début du quinquennat, le Gouvernement ne conçoit ses politiques publiques que par le prisme de la réduction de la dépense publique, nous sommes convaincus qu’il faut investir dans la jeunesse. Mais est-il pertinent d’engager des frais astronomiques dans un dispositif qui se construit à distances des jeunes alors que de nombreux dispositifs permettant de les accompagner sont actuellement sous financés ?
Le FFJ attend des pouvoirs publics davantage de moyens dédiés à l’éducation, à l’égalité entre les territoires, à la lutte contre les discriminations, à l’engagement et la culture afin de permettre à chacun·e d’avoir les conditions pour construire sa vie dignement et à l’ensemble des citoyen·ne·s de vivre ensemble en cohésion. Le FFJ plaide pour un investissement conséquent dans :
- l’école, à travers le renforcement de l’enseignement moral et civique (EMC) ;
- le tissu associatif (dont les petites et moyennes associations) et plus particulièrement des organisations de jeunes, qui favorisent les mixités, la prise de responsabilités et l’émancipation ;
- le soutien et le développement de dispositifs existants comme le Service civique, la Garantie jeunes ou encore le réseau Information Jeunesse.
Alors que le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans s’établit en France à 20,1% de la population active et que la précarité concerne un·e jeune sur cinq, le FFJ est convaincu que la mise en place d’un SNU n’est pas la priorité et ne répond pas aux besoins urgents des jeunes !
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